"Les "casseurs de briques" comme nous les appelons, travaillent toujours dans les ruines, en face de chez nous et nous assourdissent."...

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" Jean et Robert font les courses, c'est-à-dire la queue, armés de patience, "...

"Mes frères, en suivant la queue entendent les réflexions émises par chacun et nous les rapportent parfois. Cette fois, il est question que, dans les Vosges, la célèbre Fontaine de Sainte-Odile s'est remise à couler, ce qui annoncerait la fin de la guerre. Il en fut ainsi en 70, il en fut ainsi en 14-18. De quoi mettre un peu de baume dans les coeurs !

Mon père qui se rend chaque jour au bureau de poste de Dunkerque... nous dit au retour qu'après les fortes tempêtes de ces derniers jours, la mer a rejeté le long des côtes de nombreux cadavres. C'est bien triste. "...

"On fait également le recensement des postes de T.S.F.

A chaque sortie, Robert, ayant beaucoup de sens pratique fait des découvertes... Il repère les petits tanks, les chars d'assaut et se promet le droit de visite à chacun d'eux avec Roger qu'il a initié longuement et sérieusement aux secrets de l'électricité durant les heures creuses de leur séjour à Fort-Mahon."

" Un bruit étrange me réveille en cette matinée ensoleillée"..."Un ouvrier maçon...est assis sur un petit pan de mur écroulé sur ce qu'il reste de la maison d'en face... et se servant de la truelle et d'un gros marteau, il frappe, il frappe afin de séparer les briques de leur mortier ou de leur ciment et s'évertue à les équarrir de son mieux sans les briser?..."

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"Maintenant que Robert est de retour, les choses prennent un autre tournant:"...

- Vous n'avez pas encore d'électricité, donc pas d'émisision de radio !

- Comme tu vois ! Pas de radio, pas de nouvelles !

- Attendez, je vais vous faire un petit poste à galène"

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Robert nous dit encore:

- Tiens, vous n'avez pas d'eau ! Vous allez chercher l'eau si loin, à l'ancienne brasserie Vanraët, pourquoi ? Pourquoi n'allez-vous pas plutôt puiser l'eau à l'ancienne brasserie Lainé ? C'est plus près, ce serait moins fatigant."

"Toute la journée nous entendons de gros coups au loin. Ce serait le bruit que feraient de gros canons à longue portée tirant de la côte sur l'Angleterre. Il paraît que notre armée est en débandade et que la France demande l'Armistice. On dit aussi que l'Amérique viendrait à notre secours, que notre port serait reconstruit, et que notre pauvre Flandre serait rattachée au "Reich Grand Allemand". On dit... on dit... En fait, depuis hier, notre région est déclarée Zone Interdite et nous rattachés à la Belgique."...

" Maman fait son possible pour porter le deuil demain jour de l'enterrement de mon oncle Edmond"... "Nous sommes si préoccupés par les préparatifs que c'est à peine si nous nous rendons compte de ce qu'il se passe au-dehors. Pourtant, des avions se poursuivent dans le ciel, chasseurs er bombardiers, peut-être, et peu de temps après, nous entendons un choc sourd. Qu'est-ce que cela peut être? Nul ne sait !"

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"Un coup de sonnette magistral me sort brutalement de mon sommeil"..."C'est Robert, Robert enfin !"...

"Aujourd'hui j'ai l'intention de me rendre à la grand'messe accompagnant Jean"....

"L'église a complètement brûlé. Il n'en reste que les murailles et les piliers, aussi la messe se fait-elle dans la salle du patronage des garçons, salle assez étroite mais très longue. iI n'y a pas de chaises, nous nous tenons debout."... "C'est l'abbé Bonpain qui officie. Nous assistons à une messe basse" ... "Il me manque Robert ! Nous assistions toujours ensemble tous trois à la messe!"

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"... Il paraît que l'on va évacuer Dunkerque avant samedi.

... On raconte que les Anglais auraient bombardé Calais

... On dit aussi que Mussolini est en fuite"...

" Les autorités allemandes ont donné des ordres pour abattre des pans de murs branlants et des murailles fissurées constituant un danger permanent pour tous" ... "Cependant il semble qu'ils détruisent un peu trop facilement ce qui serait souvent, à notre avis récupérable, ce qui fait le grand désespoir de certains propriétaires. Ces derniers vont se plaindre à la mairie où on leur répond qu'un plan de reconstruction est déjà établi et que certains quartiers seront totalement différents de ce qu'ils étaient. Bien souvent des jardins publics sont prévus, inclus dans ces parcelles. Il n'y a donc plus rien à dire !"...

... L'oncle de Maman est décédé...

"Mon oncle sera enterré normalement. En effet, aujourd'hui, pour la première fois une petite fille a droit à une sépulture normale, avec cercueil, fleurs, cortège et messe. Son cercueil sera de bois blanc non vernis.  Papa a tenté de retarder le plus possible la cérémonie car il espère malgré tout le retour de Roger.

- Si tout a bien marché de leur côté, Robert et lui ne peuvent plus tarder maintenant, nous répète-t-il à tout propos."...

"Un arrêté du maire est publié dans chaque commune de l'agglomération sur ordre de la Kommandantur selon lequel il est défendu de sortir entre neuf heures du soir et six heures du matin. De plus, on ne peut plus se rendre en automobile d'une commune à l'autre sans s'être fait délivrer un laissez-passer qui exige des heures d'attente provoquant des queues interminables.

Il est décidé également d'entreprendre la désinfection de la Citadelle du port.

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Aujourd'hui également est mise en circulation la nouvelle monnaie d'occupation à laquelle il faudra bien s'accoutumer hélas !"

"Monsieur Bourbillon nous annonce aussi que les Allemands ont affiché ce matin un ordre de réquisition des hommes valides y compris les jeunes gens, afin d'enfouir les cadavres d'animaux et les corps des morts gisant encore de-ci, de-là, en maints endroits, là où ils sont tombés."...

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A midi, Thérèse vient annoncer que son père, l'oncle Edmond, est malade et a été conduit à l'hôpital. Son frère, le père de Maman, se rend à l'hôpital de Rosendaël et raconte quand il revient:

"Je ne sais pas si vous pouvez réaliser ce qu'il se passe là-bas, c'est effroyable ! L'hôpital est surchargé de blessés. On n'arrive pas à leur procurer même un minimum de soins, n'ayant pas assez de personnel qualifié resté sur place...

Beaucoup meurent sans que l'on ait eu l'occasion de s'occuper d'eux pour leur porter secours ou atténuer leurs souffrances. Il y a manque de pansements, de remèdes et pas suffisammment de civières ni de lits. IL y a des corps partout, morts ou vivants, bien souvent mutilés. C'est horrible à voir ! Il n'y a plus de place à la morgue"...

 De retour chez eux, ils examinent les dégâts : " L'obus dont m'a parlé mon père est passé là... il alla perforer l'angle opposé de la pièce au niveau du plancher pour exploser enfin, à bout de course et détruire la maison voisine dont il ne reste qu'un amas de ruines informes de poutres et de briques. Seul, le pied de l'une de mes chaises a été brisé net, et mon pauvre herbier dont j'étais si fière... a été perforé très savamment en son milieu."...

Les vitres ont été brisées un peu partout mais apparemment rien n'a été pillé. En revanche, au rez-de-chaussée, chez Madame Bourbillon, il y a eu pillage : table, chaises et buffet vide ainsi que de beaux tableaux.. " Un autre désenchantement survient à la constatation de la coupure de l'eau potable, de l'électricité et du gaz de ville... Nous avons encore une petite réserve de charbon et un réchaud à alcool."

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"Nous nettoyons sans relâche et sans fin des résidus de toutes sortes qui ont couvert d'un voile épais tous les objets sous lequel ils disparaissent"...

"Seul Serge est à son affaire ! Agenouillé devant le cageot où il range tous les jouets qu'il a abandonné si brutalement durant l'exode, il se retrouve, émerveillé, serrant à deux bras sur sa poitrine à tour de rôle l'ours de peluche rousse et le lapin de fourrure rose"...

"Seul manque Robert ! Quand reviendra-t-il donc ?"

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Monsieur Bourbillon leur raconte ce qu'il a vu :

" - Ce qui n'est pas en notre honneur, c'est qu'il y a des gens de notre région qui osaient détrousser les cadavres sur la plage, volant montres et alliances, vidant poches et portefeuilles.

- C'était peut-être dans le but de les rendre aux familles !

- Je ne le crois pas, car ils se débarrassaient tout aussitôt des papiers d'identité qu'ils rejetaient au vent !

- Ce n'est pas croyable !

- J'ai vu des soldats allemands les en empêcher."

Monsieur Bourbillon continue à narrer tout ce qu'il a vu sur la plage et parle aussi des prisonniers ...